Coloscopie virtuelle : un formidable outil de dépistage du cancer colorectal

Coloscopie virtuelle : un formidable outil de dépistage du cancer colorectal

Par le Dr Mickael Suissa

Le dépistage du cancer colorectal est un enjeu majeur de santé publique puisque ce cancer – le 3e le plus fréquent – touche chaque année en France 40.000 personnes et cause 15.000 décès.

Il touche pour moitié environ autant les hommes que les femmes. Les sujets dits « à risque » sont les personnes au-delà de 50 ans, pour lesquelles le risque est moyen.

Le dépistage est recommandé tous les cinq ans au-delà de cet âge.

La mortalité a toutefois considérablement diminué depuis les années 1990 en raison du dépistage accru grâce à la généralisation du test Hémoccult (dépistage de la présence de sang dans les selles) et à la coloscopie optique([1]).

Une excellente alternative

De nouvelles approches tendent à se généraliser, dont l’une est particulièrement intéressante : la coloscopie virtuelle. Elle consiste en une exploration scanographique permettant d’analyser l’intérieur de la cavité recto-colique.

Son avantage : elle ne nécessite plus l’insertion d’un endoscope, l’instrument utilisé dans la coloscopie optique, pour rechercher des lésions à risque de cancer colorectal, essentiellement des polypes.

Il faut avoir présent à l’esprit que 30% des polypes adénomateux de 10 mm et plus dégénèreront en polypes cancéreux à dix ans et 3% des polypes de 6 à 9 mm dégénèreront en cancer à dix ans. Quant aux micropolypes inférieurs ou égal à 5 mm, leur risque de cancérisation à dix ans est globalement inférieur à 1%.

Dans ces conditions, la coloscopie virtuelle est un formidable outil de dépistage, avec une fiabilité proche, voire dans certaines conditions, supérieure à la vidéocoloscopie ([2]).

Elle se pose donc en excellente alternative à la vidéocoloscopie dite « traditionnelle ».

Un examen rapide et bien toléré

Elle constitue un examen rapide, très bien toléré, reproductible, archivable numériquement, pouvant bénéficier de relecture par de multiples lecteurs et par l’intelligence artificielle (CAD Colo).

Elle s’affranchit des complications liées à la morphologie du colon, évite l’anesthésie générale et la courte hospitalisation.

L’examen, réalisé le matin au mieux après une préparation très simple et très bien tolérée, dure moins de dix minutes. Les effets secondaires sont nuls et la reprise de l’activité est immédiate.

A l’Institut de Radiologie de Paris, l’examen consiste en un scanner abdominal sans injection de produit de contraste, à basses doses (max 300 mGy/cm ou 2 mSievert). Le seul désagrément est l’insufflation colique de quelques secondes pendant l’examen.

Son excellente tolérance, sa fiabilité et sa facilité de réalisation corrélés à la préparation peu contraignante, sont de formidables incitations à réaliser cet examen tous les cinq ans, et par la même, limiter considérablement le risque de cancer colorectal avéré.

En outre, l’examen permet de visualiser dans le même temps la cavité abdominopelvienne à la recherche de lésions extra-digestives « incidentales » ([1]).

Une technique en plein essor

Aujourd’hui, la coloscopie virtuelle suit une courbe régulièrement ascendante dans son développement depuis 2003 et l’arrivée des scanners à haute résolution.

Les études qui se sont succédé ont montré son excellente fiabilité dans la détection des polypes et lésions à risque de cancer colorectal, à condition d’une chaine de qualité rigoureuse allant de la préparation à l’interprétation, en passant par la réalisation technique et l’aide par les logiciels appropriés (« nettoyage automatique des selles », CAD côlon, etc.).

Dans une population dépistée dite à risque moyen, l’examen permet d’éviter une vidéocoloscopie traditionnelle avec anesthésie générale à près de 70% des patients. Pour les 30% restants, l’examen permet un bilan de référence exhaustif et fiable rendant la vidéocoloscopie plus efficace et plus rapide.

L’autre grand avantage est le fait qu’il est très faiblement invasif, ce qui incite une majorité de patients à le refaire à intervalle régulier de cinq ans, alors que la majorité des patients ayant subi la coloscopie traditionnelle ne referont plus l’examen spontanément, celui-ci étant surtout incité au départ par la détection d’une anomalie au test Hemoccult et/ou d’un symptôme clinique.

On comprend alors que la potentialité de la coloscopie virtuelle en termes de dépistage est très importante.

 

 


[1] JOURNAL CLUB: Extracolonic Findings at CT Colonography: Systematic Review and Meta-Analysis.

Pickhardt PJ, Correale L, Morra L, Regge D, Hassan C.  AJR Am J Roentgenol. 2018 Jul;211(1):25-39. doi: 10.2214/AJR.17.19495. Epub 2018 May 24.

[1] Les cancers en France, Les Données, INCa, édition 2015, avril 2017.

[2] Colon cancer screening with CT colonography: logistics, cost-effectiveness, efficiency and progress.

Obaro AE, Burling DN, Plumb AA. Br J Radiol. 2018 Oct;91(1090):20180307. doi: 10.1259/bjr.20180307. Epub 2018 Jul 5. Review.